
LE PANAFRICANISME DU KREMLIN
mai 23, 2025
Le capitalisme de la finitude, une fenêtre ouverte sur le nouveau monde.
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Riche en ressources mais peu intégrée dans les chaînes de valeur mondiales, l’Afrique subit encore des rapports économiques déséquilibrés. Au Mali, au Niger ou au Burkina, une dynamique émerge pour repenser ces relations. Une réforme des APE issus de Lomé serait-elle enfin à l’ordre du jour ?
L’Afrique est un continent aux myriades de ressources. Des terres rares, minerais stratégiques, soleil, vent, jeunesse. Pourtant, le continent reste à la marge dans le champ économique. L’Afrique a trop longtemps été le théâtre de rapports économiques asymétriques. Au Mali, au Niger et au Burkina…on assiste ces derniers mois à un vent qui ambitionne de repenser et rééquilibrer ces décennies d’incongruité dans les rapports économiques. Dans ces pays la souveraineté économique est à l’ordre du jour.
Sur le papier, le multilatéralisme repose sur la coopération, le win -win et la gouvernance partagée. Mais dans la réalité, l’Afrique a souvent été spectatrice plutôt qu’actrice. Les règles sont fixées ailleurs. Les négociations commerciales multilatérales — qu’il s’agisse de l’OMC, des accords bilatéraux déguisés en partenariats — se sont trop souvent traduites par des compromis au détriment des économies africaines. Le cas du par du commerce agricole illustre ce déséquilibre : les subventions massives octroyées par les pays du Nord étouffent la compétitivité des producteurs africains, tandis que l’accès au marché pour les produits transformés africains reste limité.
De nombreuses analyses mettent en lumière les conséquences négatives des subventions agricoles qui entrainent la fragilisation des marchés locaux des pays du Sud et leur dépendance par rapport aux importations. De façon concrète, Sur les marchés locaux des pays en développement, les prix des produits subventionnés et importés sont moins élevés que ceux des produits agricoles mis à disposition par les agriculteurs de ces États. Olivier De Schutter, rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, dans un rapport adressé à l’Assemblée générale des Nations unies, soulignait que dans les États d’Afrique subsaharienne, « l’agriculture a été sérieusement mise à mal, et parfois réduite à néant, par cette concurrence internationale ».
Le piège de la dépendance
Aujourd’hui, de nombreux accords de coopération — qu’ils soient avec la Chine, les pays du Golfe, l’Union européenne ou les institutions de Bretton Woods — s’inscrivent souvent dans un prisme asymétrique. Derrière les discours sur le développement, se cachent des logiques d’endettement, d’emprise stratégiques. Le multilatéralisme utile à l’Afrique doit rompre avec ce schéma. Il ne s’agit pas de refuser les partenariats internationaux, mais d’exiger des termes équitables, transparents et centrés sur le développement local. En ces termes l’Afrique aujourd’hui doit assumer une doctrine économique qui repose sur une vision claire de ses intérêts. Au Mali par exemple l’affaire Barrick Gold est un signal fort envoyé pour une coopération économique équilibré. Au-delà, nous sommes de ceux qui pensent qu’il faut un examen des APE avec l’Europe. L’ampleur de l’asymétrie n’a pas suffi toutes ces années a reformer ces accords. La nécessité d’une transformation de l’accord de Cotonou trouve son origine à la fois dans le bilan que l’on peut dresser durant ces décennies d’existence et surtout dans le nouveau contexte multilatéral auquel l’Afrique entend jouer un rôle.
Un changement de paradigme en cours ?
« Repenser le multilatéralisme économique africain, c’est d’abord sortir du schéma classique des accords bilatéraux déséquilibrés. Les APE, négociés pays par pays ou sous-région par sous-région avec l’Union européenne, ont fragmenté la réponse africaine. À l’inverse, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait devenir l’instrument-clé d’un nouvel agenda économique : intégré, négocié à partir d’un rapport de force collectif, centré sur les intérêts africains. Mais pour cela, encore faut-il construire une vision économique panafricaine claire, dotée d’institutions capables de porter cette ambition », nous confie l’économiste Samuel Mathey.
« Dans cette perspective, la réforme des accords existants – comme les APE – ne suffit plus. Ce qu’il faut, c’est une architecture nouvelle, pensée à partir des besoins de montée en gamme des économies africaines : industrialisation, autonomisation énergétique, transformation locale des ressources. Ce multilatéralisme renouvelé ne pourra se faire que si les partenaires traditionnels », précise l’économiste.